« Go Big or Go Home »
Cette expression résume bien la situation dans laquelle je me trouve aujourd’hui, un peu plus d’un an après la création de ma micro entreprise de ventes de pâtisseries sur commande et de cours de pâtisserie.
Petit résumé de mes 14 mois d’activité :
Je me suis lancée en janvier 2021 à Sallanches sans objectif, sans pression, sans business plan! Je souhaitais surtout m’occuper pendant cette période particulière du Covid en attendant de retrouver un emploi. Mais ma petite entreprise a vite pris de l’ampleur, les commandes ont commencé à pleuvoir! J’ai donc continué, je me suis développée sans trop réfléchir avec le minimum d’investissement financier (frigo, congélateur, petit matériel). Je me suis vite retrouvée un peu bloquée dans ma capacité de production à cause de mes conditions de travail (depuis mon domicile) et de mon matériel, mais j’ai compensé par de longues journées et une organisation militaire! Ma vie personnelle passait au second plan et j’ai consacré tout mon temps et toute mon énergie à mes gâteaux.
Mais petit à petit, mes priorités ont évoluées (le tic tac des 30 ans ?!!), j’ai trouvé l’amour (oui oui je suis gniangnian mais j’assume!) et je suis tombée enceinte!
J’ai décidé de déménager pour vivre avec mon conjoint à Arâches la Frasse et n’étant pas très fan de perdre du temps dans les allers retours (et encore à l’époque un plein d’essence ne coûtait pas un rein!!) j’ai voulu ramener mon activité professionnelle ici aussi en novembre.
J’ai eu une très belle opportunité grâce à la mairie d’Arâches de pouvoir m’installer dans un grand local bien en vue. Sans plus me poser de questions je me suis dit que j’allais tenter l’aventure ici et que l’on verrait bien si la clientèle serait au rendez vous comme elle l’a été à Sallanches.
J’ai fait une très belle saison d’hiver, surtout de belles fêtes avec beaucoup de commandes pour Noël et nouvel an (plus de 80 bûches quand même!). J’ai aussi eu la chance de pouvoir travailler avec un supermarché local, le SPAR qui m’a permis d’avoir une vitrine pour mes gâteaux (merci à Loïc et toute son équipe au top, merci merci !!), un restaurant et animer des ateliers sur le marché de Noël. Même enceinte de plusieurs mois (avec une grossesse plutôt compliquée) j’ai travaillé d’arrache pieds pour me faire connaitre et satisfaire le maximum de commande (niveau horaires on était sur du 4h-19h pendant les fêtes! Merci à mon chéri qui me soutenait et me préparait à manger me permettant de me consacrer à 100 % à mon boulot!).







Ok, donc plutôt positif de l’extérieur tout ça non ?! Oui on peut le dire je pense, mon entreprise a connu un beau succès et je suis fière de ce que j’ai construit et accompli !
- j’ai réalisé plus de 37000 euros de chiffre d’affaires en 14 mois, seule avec mes petites mains (et mon kitchenaid!).
- J’ai développé une clientèle à deux reprises car j’ai perdu 80 % de ma clientèle lors de mon déménagement. Un grand merci à ma famille, mes amis et mes clients fidèles pour leur soutien et leurs efforts pour me faire connaitre. C’est vous ma meilleure agence de com’!! Tous les supers retours que j’ai eu sur mes réalisations sont aujourd’hui ma plus belle rémunération. J’ai apprécié chaque petit mot, chaque photo de sourire derrière mes gâteaux…
- J’ai collaboré avec des restaurants, des organisatrices d’événements, des chefs à domicile…
- J’ai animé des ateliers pour enfants pour les villes de Sallanches et d’Arâches la Frasse et j’ai donné des cours de pâtisserie pour adultes et enfants dans mon atelier (des moments de partage très agréables!)
Mais, la réalité derrière cette réussite apparente c’est la déception financière et les difficultés d’évolution
Allez c’est parti, parlons argent (pas très français hein, mais moi je n’ai aucun tabou la dessus !)
Pour ma période d’activité de janvier 2021 à février 2022 :
- J’ai réalisé 37000 euros de chiffre d’affaires
- J’ai dépensé 15000 euros en matières premières, matériel, boitage, …
- J’ai payé 3000 euros de cotisations sociales (et encore j’ai bénéficié d’une réduction la première année grâce à l’ACRE (aide de pole emploi…on reviendra sur les « aides » et encouragements de l’Etat à entrepreneuriat hum hum) et 200 euros d’impôts sur le revenu
- J’ai dépensé 5000 euros en loyers et électricité
- J’ai dépensé 300 euros en assurance, 100 euros en frais bancaires
- Je ne compte pas les frais liés à ma voiture car il est difficile de faire la part des choses avec mon utilisation personnelle mais dans l’absolu il faudrait car je l’ai beaucoup utilisé pour aller faire les courses et les livraisons de gâteaux.
Ce qui nous donne…957 euros par mois de salaire net pour un nombre d’heures incalculable.
(Au delà de la fabrication en tant que telle des gâteaux, il ne s’est pas passé un jour sans que je réponde à une demande de devis, que je cherche des idées pour des gâteaux, que je fasse de la paperasse, des courses, des publications instagram/fbk…c’est la différence avec le salariat : on s’organise comme on veut et on ne respecte pas de planning mais on ne compte ses heures)
Voilà voilà… le constat est là : je ne gagne pas ma vie correctement grâce à mon travail, même en faisant du 7/7, mais grâce aux aides ce qui est pour moi ridicule, incohérent et inacceptable (Pole emploi a complété mes revenus, environ de 500 euros par mois, ce qui m’a beaucoup aidé mais ce que je ne peux pas éthiquement continuer).
Je suis actuellement en arrêt pour mon congé maternité, ce qui me laisse un peu de temps (moins que ce que j’avais prévu, mon corps essaye de récupérer toutes les heures de sommeil que je lui ai volé au fil des années et croyez moi il y en a…!!) pour réfléchir à la vie que je veux et que je peux mener.
(Pour être honnête cette réflexion a aussi été provoquée par une grosse déconvenue financière, Cf fin d’article pour un petit coup de gueule!!)
Trois options s’offrent à moi (si vous en voyez d’autres je suis toute ouïe!!! mais l’option « augmenter considérablement mes tarifs » n’est pas envisageable pour moi, sans perdre mes valeurs).
Option 1 : Statut quo
Continuer comme je l’ai fait depuis le début tant que j’ai mon local, en travaillant seule avec mon matériel en place. Je sais que je peux faire un chiffre assez important si je redonne un gros coup de collier dans la pub et communication et si j’assure un maximum de commandes. Mais je continuerai à perdre beaucoup de temps en fabrication (par exemple je ne peux cuire qu’une seule fournée à la fois, je dois monter ma crème en plusieurs fois, je ne peux pas produire plus de 12 tartelettes à la fois…) et je ne pourrai donner que des cours particuliers de pâtisserie. Je n’en ai pas encore parlé mais si les cours de pâtisserie sont une activité que j’apprécie particulièrement, la plupart du temps j’ai des personnes seules et cela n’est pas du tout rentable pour moi (30 euros de l’heure, taxés à 22 %, Pour un cours de 3 heures il faut compter 1 heure de préparation avant et 1 heure de rangement après, et une valeur de gâteau fabriqué d’environ 50 euros donc… 20 euros de bénéfice pour 5 heures de travail!). Il faudrait que je puisse proposer des cours collectifs mais pour cela j’ai besoin de matériel supplémentaire.
Conclusion : C’est possible et je « gagnerais ma vie » grâce à pole emploi malgré un travail quotidien important. Avec un bébé à venir ça ne me parait pas envisageable du tout. Je ne souhaite plus « sacrifier » ma vie personnelle au profit du boulot, même si j’en retire beaucoup de satisfaction et de plaisir, pour ne pas gagner ma vie grâce à MON TRAVAIL mais grâce aux aides.
Option 2 : Go big
Pour être rentable et me dégager un salaire correct et enfin m’affranchir des aides, une solution est d’investir assez massivement dans mon entreprise et d’ouvrir une vraie boutique. Il faudrait que je puisse combiner l’offre sur mesure qui a fait ma réputation et l’offre quotidienne plus classique d’une pâtisserie ou d’un salon de thé pour assurer plus de rentrée d’argent. Pour cela il me faudrait :
+ Un local commercial en centre ville avec : un espace de vente avec une vitrine réfrigéré et capacité d’accueil assis , un espace de production important permettant également de donner des cours, et un espace de stockage de matières premières
+ Du matériel professionnel (tour réfrigéré, congélateur, plan de travail en marbre, petit matériel en quantité pour la production et les cours comme des cercles à entremets, des grilles, des moules, des fouets, des culs de poule,…, plusieurs robots mélangeurs, un four, une plonge automatique, une station de lavage…bref 💲💲💲)
+ Un salarié au minimum en vente pour assurer une ouverture de la boutique et gérer la mise en boite, prise de commandes, communication sur les réseaux sociaux…
+ Un comptable pour prendre le relais sur la paperasse de l’entreprise qui devra d’ailleurs changer de statut juridique.
+ Beaucoup de pub et de communication pour me faire connaître. Éventuellement développer les commandes à distance pour certains produits (sablés, cookies…) pour agrandir ma zone de chalandise donc créer un site marchand.
Conclusion : Comme tout investissement et nouvelle entreprise il y a des risques mais aussi des chances que ça marche, difficile de se faire une idée sans essayer. Je pense qu’il y a une demande, surtout pour les cours et les gâteaux sur mesure mais c’est la ville où je souhaite m’installer qui m’inquiète. Arâches-la- Frasse, aka Les Carroz, est une ville touristique principalement animée lors des saisons d’hiver et d’été. Hors saison il y a moins de 2000 habitants (comparés aux 20000 de Sallanches par exemple) et les loyers sont très chers (environ 1000 euros HT pour 30 m2 en centre ville).
-> est ce que j’aurai une clientèle suffisante pour payer un loyer à l’année?
-> Il y a déjà dans le centre ville 3 boulangeries pâtisseries en saison et 1 hors saison. Ai-je ma place ?
-> Faudrait-il que je développe les livraisons dans la vallée et à distance pour m’assurer un chiffre d’affaire cohérent avec mes investissements?
-> Est ce que je trouverai le soutien financier nécessaire pour un tel projet ?
Dans tous les cas, pour que cela fonctionne, je sais qu’il me faudra m’investir à 100% en temps, en énergie et en argent. Aujourd’hui je me sens un peu fatiguée et pas nécessairement dans une dynamique de création. Je pense que j’ai besoin de temps avant de vraiment me lancer et je ne veux pas forcer les choses, petite phrase de yogi (merci Adriene Mishler) : « honor where you are today » et today je veux retrouver un peu de simplicité et de sérénité dans mon quotidien avec moins de stress professionnel même si ça m’attriste….donc… 3ème option !
Option 3 : Go home !
= Mettre un stop à mon activité, quitter l’entrepreneuriat et me retourner vers le salariat
(en pâtisserie ou pas d’ailleurs ! J’ai toujours un master de droit qui traine sous le coude au cas où même si je sais plus trop ce qu’il vaut aujourd’hui!!)
Cela fait maintenant quelques temps que j’y pense sans arriver à prendre de décision alors voila ma liste de pour ou contre arrêter le Panda !
Pour | Contre |
– Ne plus travailler seule, ce qui me pesait beaucoup à la fin, retrouver des collègues et faire évoluer mes compétences – Avoir plus de temps avec ma famille – Pouvoir faire des projets (oui parce qu’en France sans CDI la vie est plus compliquée!!) – M’assurer des revenus et des horaires de travail fixes et sûrs – Retrouver une vraie séparation entre ma vie perso et professionnelle (plus de réponse à un devis en pleine soirée ^^) = Un choix rationnel pour une vie plus simple et confortable et laisser plus de place à ma vie personnelle | – Renoncer à tout ce que j’ai construit et admettre un certain échec – Abandonner ma clientèle et de beaux projets (des mariages, des baptêmes…) – Perdre mes investissements (en matériel, en pub, en matières premières…) – Perdre ma LIBERTÉ d’entrepreneur et la flexibilité de travail qui va avec – Me perdre moi, en arrêtant ce qui me fait plaisir et ce pour quoi je suis douée – Renoncer sans être allée au bout et m’être donnée tous les moyens de réussir, sans avoir développé les cours… = Bref un gros sacrifice personnel et émotionnel et le sentiment de vous laisser tomber, vous mes clients, ma famille, mes amis, tous ceux qui ont crus en moi et ont investi en moi d’une façon ou d’une autre. 😢🫶 |
Conclusion : En écrivant ces mots les larmes coulent à flots mais je sais aujourd’hui que c’est la bonne décision. Je tourne la page sur cette aventure entrepreneuriale… Je sais que je vais décevoir et que pour beaucoup j’abandonne un peu facilement mais pour être honnête je suis arrivée au bout de l’énergie que je peux donner à ce projet alors que j’arrive à un moment où il faudrait que j’insuffle un souffle nouveau pour redémarrer. C’est trop difficile et je ne veux pas compromettre ce que j’ai accompli en me lançant sans être convaincue. Je ne veux pas perdre ce plaisir que j’avais à créer LA pâtisserie que vous vouliez, à prendre le temps de vous écouter pour apporter une réponse personnalisée...(voir ci-dessous ce qui se cache derrière un gâteau du Panda !)
Je sais qu’un jour viendra où ça sera le moment d’ouvrir mon entreprise, vraiment. J’espère que ce jour vous serez toujours à mes côtés.
Je vais donc rendre mon local et stopper mon activité. J’espère avoir l’occasion et le temps de continuer à pâtisser, peut être proposer des recettes sur le blog, donner des cours à domicile, je ne sais pas honnêtement aujourd’hui ce que je vais faire mais le Panda pâtissier tel que vous le connaissez c’est fini.
Encore une fois MERCI, du fond du cœur pour tous vos messages, vos encouragements, votre gourmandise, vos photos, … c’était extraordinaire et je n’aurais pas pu rêver mieux il y a 14 mois quand j’ai vendu mon premier gâteau! |
Petits bonus n°1 : un petit coup de gueule de femme enceinte sur la France et l’entrepreneuriat !!
Parce que vous avez du le remarquer j’aime écrire et patron, ON EN A GROS !!
L’année dernière quand j’ai décidé de me lancer et donc de travailler, de créer de la valeur ajoutée et du dynamise économique, j’étais au chômage. J’avais droit à plus de 700 jours d’indemnisation donc en gros 2 ans à toucher 1100 euros par mois sans rien faire. Ok, mais j’ai décidé de travailler.
Pole emploi m’a permis de compléter mon salaire et de commencer mon activité sans pression et ça c’était top. J’ai eu une réduction de cotisations la première année et la forme micro entreprise est assez simple pour se lancer à son compte. Mais aujourd’hui, grosse déconvenue qui relativise un peu l’apparent encouragement de l’Etat à entrepreneuriat ! J’ai découvert juste avant de prendre mon congé maternité que la création de mon entreprise allait me porter préjudice pour l’indemnisation de mon congé.
En gros (tous ces chiffres sont encore provisoires car ma demande de congé n’a pas été traitée, il y a plus de deux mois de retard…) je vais toucher pendant mon congé pour la part entrepreneur soit 12 euros par jour, soit…0 euros !!! Et oui parce que leur calcul se base sur les 3 dernières années et je n’ai qu’un an d’exercice donc voila…Ils prennent le revenu annuel divisé par 730 (me demandez pas d’où vient ce chiffre c’est un mystère!!)
Donc pour un congé de 4 mois (heureusement j’ai travaillé quasiment jusqu’au bout malgré mon gros bidou et la difficulté de la station debout!!) je vais toucher soit 1400 euros soit 0 euros!! Rappelez vous, j’ai cotisé plus de 3000 euros à l’Ursaaf mais tout va bien !!!
Mon seul espoir est de toucher une indemnisation liée à mon statut de demandeur d’emploi mais rien de moins sur car à partir de 10 mois d’exercice indépendant, quelque soit le chiffre d’affaire, on perdait les droits de salarié. Un nouveau décret est passé qui devrait jouer en ma faveur 🤞🏻
Ce qui est incohérent c’est que si je n’avais pas ouvert mon entreprise, je serais restée au chômage et aujourd’hui j’aurais déjà mes indemnités maternité, même supérieures à mon chômage! Donc en gros mieux vaut ne pas essayer de travailler (et je trouve qu’avec plus de 30000 euros de CA par an j’ai plutôt pas mal réussi!!!) et rester tranquillement au chômage, incroyable non ????
Si vous voulez en savoir plus voici un témoignage loin d’être un cas isolé. Je suis sur un groupe facebook « Indépendantes, enceintes et en colère » et croyez moi il y a tellement de femmes qui payent cher leur choix d’avoir voulu être active…
Pour moi la perspective de toucher 360 euros par moi alors que le loyer pour mon local est de 400 euros m’a poussé à prendre des décisions que j’aurais aimer différer….
Petit bonus n° 2 : Que se cache-t-il derrière un gâteau du Panda ?!
L’auto entreprise et être seule à bord c’est fun (et je suis toujours d’accord avec ma boss!!) mais c’est aussi assumer une multitude de rôles ! Je ne suis pas uniquement une pâtissière je suis aussi : comptable, livreuse, vendeuse, commerciale, community manager, chargée de pub, femme de ménage, secrétaire, webmaster, responsable clientèle,….
Un petit schéma de ce que représente vraiment un gâteau du Panda (sans compter tout le travail de pub et de développement des recettes et tarifs de base en amont…)

A bientôt et merci de m’avoir lue ! Je m’en vais vers une nouvelle aventure, celle de maman !
Cœur sur vous mes p’tits pâtissiers !
🫶

